Condamné en 2005 à huit ans de réclusion pour escroquerie et évasion fiscale, l'ancien patron de la compagnie pétrolière Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, doit désormais répondre à de nouvelles accusations de détournement de fonds et de blanchiment d'argent. Rapatrié de sa geôle sibérienne de Tchita le 24 février, l'homme de 45 ans a assisté à l'ouverture de son procès, mardi 3 mars, derrière une vitre blindée du tribunal moscovite de Khamovnitcheski.
Des centaines de policiers ont été mobilisées à l'occasion de la première journée d'audience, consacrée à des questions de procédure. Une dizaine de militants réclamant "la libération des prisonniers politiques" ont été interpellés devant le tribunal avant l'ouverture du procès.
Mikhaïl Khodorkovski est accusé d'avoir détourné 892 milliards de roubles (20 milliards d'euros) issus de la vente de pétrole en provenance de trois filiales de Ioukos, ainsi que d'avoir blanchi l'équivalent de 10 milliards d'euros. Selon le code pénal russe, vingt et une années supplémentaires de prison pourraient être ajoutées aux neuf qu'il a commencé à purger.
"Il n'y a pas de preuves", a déploré Vadim Kliouvgant, l'avocat principal de la défense, qui a demandé le renvoi de l'un des procureurs. "Ils ne cherchent pas à respecter la loi, mais tentent plutôt d'obtenir à tout prix ce pour quoi ils ont été mandatés." Selon les avocats de Khodorkovski, l'acte d'accusation n'est pas crédible: la quantité de pétrole que l'ancien patron de Ioukos est accusé d'avoir détourné dépasse la production totale de ses trois filiales pour la période concernée.
ENTREPRISE DÉPECÉE
Arrêté en 2003 et condamné en 2005 à l'occasion d'un procès jugé "politique", l'ancien riche oligarque opposé à Vladimir Poutine, ne faisait pas mystère à l'époque de ses ambitions politiques. Après son arrestation, Ioukos a été dépecée, et ses différentes structures reprises par des sociétés fidèles au Kremlin.
Le nouveau procès de Mikhaïl Khodorkovski, qui se déroule alors que Dmitri Medvedev célèbre le premier anniversaire de l'élection présidentielle qui l'a porté au pouvoir, aura-t-il lieu sous les mêmes auspices ? Lundi, M. Khodorkovski voulait croire que des "changements institutionnels positifs" étaient en cours, notamment pour la justice, "qui commence à agir comme une branche indépendante du pouvoir".
"Il y a certainement des divergences entre les différentes factions au Kremlin concernant Khodorkovski, estime le politologue Vladimir Pribylovski. Mais rien de suffisant pour ébranler le duo en place au sommet de l'Etat, même s'il y a fort à parier que Medvedev aurait souhaité ne pas ressasser cette affaire. Sauf que Medvedev n'est pas un homme politique indépendant, le numéro un reste Poutine."
M. Khodorkovski a commenté lundi le procès qui débute, disant que "le spectacle ne sera pas inintéressant". Vu les 3 500 pages de l'accusation, il sera de longue durée.
Alexandre Billette